Parmi les nombreux messages que le Sziget Festival veut faire passer et les nombreuses initiatives sur place, il y en a une qu’on ne saurait ignorer : le Green Sziget, l’initiative du festival pour la préservation de la planète.
La démarche est fortement valorisée par les organisateurs du festival dans leur communication en amont mais aussi sur place. Et on comprend pourquoi lorsque l’on sait que les jeunes de 15 à 25 ans se sentent de plus en plus concernés par la question et initient eux-même des mouvements dans ce sens (on pense tout de suite à Greta Thunberg ou encore aux manifs pour le climat des étudiants et lycéens). Ces jeunes constituent un très grande majorité du public du festival.
Au delà de la dimension marketing, la question de la préservation de l’environnement devient centrale dans le développement de tous les festivals en Europe et dans le monde. On a ainsi vu le festival de Glastonbury au Royaume-Uni bannir totalement le plastique de son festival en 2019, une opération réussie.
Mais alors, le Green Sziget, est-ce un produit marketing pour surfer sur la tendance ? Ou une véritable initiative éco-responsable ?
Nous avons eu l’occasion de rencontrer Tamas Kadar, CEO of Sziget, Akos Dominus, Sustainability Manager of Sziget et Dorka Bauer, Sustainability Consultant to Sziget qui nous ont présenté le projet Green Sziget et avec qui nous avons évoqué le futur de ce projet et les améliorations à venir.
Le Sziget, une micro-société à gérer sur le plan éco-responsable
Durant 1 semaine, le festival élit domicile sur une île au coeur de la ville de Budapest. Plus de 500’000 personnes vont transiter sur la semaine dont notamment de nombreux campeurs mais aussi les stands divers, les artistes et leur matériel, les journalistes, le staff…
Un ampleur qui promet déjà un défi de taille pour une gestion éco-responsable de la manifestation.
Tamas Kadar, CEO du Sziget, nous explique qu’en effet, la durée du festival (7 jours) et la présence de nombreux campeurs impliquant le besoin de beaucoup de services notamment de restauration et boissons rend plus difficile la résolution du défi écologique en particulier en ce qui concerne la gestion des déchets. Mais à la question faut-il réduire la durée du festival pour en réduire l’impact écologique, il est catégorique : c’est non. Être éco-responsable, oui mais pas au détriment de l’expérience du festival. Au contraire, le parti-pris est vraiment d’intégrer cette démarche dans son ADN.
Mais alors comment gérer un événement d’un tel ampleur d’un point de vue écologique ?
De nombreuses initiatives éco-responsables mises en place
Sur le papier, le programme Green Sziget semble efficace et réaliste à la fois. Il se base sur 5 axes : gestion des déchets, énergie et émissions, transports, eau et utilisation des terres.
La gestion des déchets est l’enjeu principal pour un événement de cette ampleur et donc le premier point sur lequel se concentre les équipes du Green Sziget. D’après Akos Dominus, Sustainability Manager, des progrès sont fait chaque année en ce qui concerne le tri et le recyclage des déchets. Il présente d’ailleurs avec son équipe plusieurs de leurs initiatives sur le stand Green Sziget Center dont un laboratoire de compostage collectif.
Le transport reste également l’un des points les plus cruciaux pour diminuer l’impact du festival. Nous sommes sur le bon chemin pour devenir un festival sans voiture, nous explique Tamas Kadar, CEO du Sziget Festival. Mais pour un festival dont la grande majorité des spectateurs viennent d’autres pays de l’Union Européenne, la voiture est-elle vraiment le problème ?
Là aussi, Tamas Kadar nous répond : “En effet, l’avion est un problème mais nous avons la chance. La plupart des compagnies aériennes n’ont que peu de vols à destination de Budapest”. De nombreux festivaliers doivent donc opter pour d’autres options mais lesquelles?
Le festival travaille avec les compagnies ferroviaires pour proposer des trajets en train aux dates du festival ainsi que des réductions pour les festivaliers. Une ligne est déjà en fonction depuis les Pays-Bas et une seconde avec la France devrait voir le jour pour l’édition 2020.
En ce qui concerne le staff qui se déplace en scooter dans le festival et les stands de nourriture avec leurs voitures et camions, il s’agit d’une question difficile nous dit Akos Dominus, Sustainability Manager du Sziget Festival. “Le nombre de scooters et de voitures sur le site du festival a déjà beaucoup diminué ces dernières années mais nous savons que le défi est là. En particulier avec nos partenaires nourriture car ils circulent en voiture et produisent également une bonne partie des déchets.”
Alors le Sziget Festival, un festival Zero Plastic l’an prochain ? Cela semble irréaliste, nous explique Tamas Kadar, en particulier à cause de nos sponsors principaux (Coca-Cola et Dreher, une bière hongroise) qui pour l’instant utilisent encore beaucoup le PET. Mais, ajoute-t-il, nous commençons à travailler avec eux sur le sujet de l’écologie et nous avançons. L’an prochain sera probablement une année charnière sur ce point.
On entend bien dans le discours une forte volonté, une prise de conscience et sans se mentir une volonté (une obligation ?) de ne pas passer à côté de la tendance éco-friendly mais est-ce suffisant ? Il y a encore beaucoup à faire, selon Dorka Bauer, Sustainability Consultant et elle-même activiste écologiste, mais il faut expérimenter et avancer.
Et sur le terrain, c’est éco-friendly ?
Nous avons eu l’occasion d’expérimenter le Sziget du côté des festivaliers et par conséquent, la question est légitime : sur le terrain, percevons-nous le festival comme éco-responsable ?
Pour les festivaliers interrogés, la réponses est clairement non. Ils voudraient voir moins de déchets, moins de circulation, moins de couverts en plastique…
Et c’est vrai que sur le terrain, la réalité rattrape vite le plan des organisateurs. Arrêtées sur un stand de nourriture, nous nous retrouvons avec des couverts en plastique. Puis on nous sert de l’eau en bouteille PET au bar. Très compliqué de trouver une poubelle spéciale pour jeter cette même bouteille. Pareil pour les couverts et assiettes en carton : beaucoup de stands font l’effort de choisir ce type de services plus écologique mais au moment de trouver une poubelle de recyclage c’est presque mission impossible.
Sur le terrain du festival, nous avons croisé de très nombreux scooters et très peu de versions électriques, bien que celles-ci soient présentes.
Pour conclure, au quotidien, en tant que festivalier, les initiatives du Green Sziget sont peu visibles et on sent vite que l’organisation pourrait être optimisée. La pédagogie en revanche est là avec le stand Green Sziget Center mais aussi des infographies sur la consommation d’eau dans les douches pour nous encourager à économiser celle-ci ou encore des communications contre l’utilisation des pailles (que la plupart des stands distribuent toujours si vous les demandez).
Alors le programme Green Sziget du festival : simple technique de green-washing pour attirer les jeunes générations européennes ? ou vraies initiatives pour l’amélioration de l’impact écologique de l’événement ? On a tendance à vous dire que les intentions sont là mais que la mise en place peu être encore largement améliorée. Mais il semblerait que l’Eco Camping proposé cette année soit justement une expérience à taille humaine de ce que pourrait donner une version 100% eco-friendly du Sziget ! Affaire à suivre donc.